Transition énergétique et valorisation des déchets : une contribution à la souveraineté énergétique de plus de 30TWh à horizon 2030

30/06/2023

Le congrès annuel de la FNADE, qui s’est tenu le mardi 20 juin à Paris, a réuni de nombreux acteurs engagés dans la transition énergétique afin d’envisager ensemble, comment développer et optimiser, au sein des territoires et des industries, la production d’énergie issue de nos déchets non recyclables et contribuer ainsi au mix énergétique avec une énergie renouvelable et de récupération locale et bas-carbone.

La transition énergétique est indispensable afin d’assurer la souveraineté de la France et répondre aux ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour la FNADE, l’énergie produite à partir des déchets non recyclables à toute sa place dans cette transition car elle permet d’offrir des solutions pour les besoins en chaleur, électricité et gaz, en substitution d’énergies fossiles carbonées. Ce fut le premier message adressé par Antoine Bousseau, Président de la FNADE, soulignant que la filière déchets a la capacité à doubler la production actuelle à horizon 2030 selon l’analyse prospective de la gestion des déchets à horizon 2050 réalisée par la FNADE et la nécessité de prendre en compte ce potentiel dans le cadre de la prochaine Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE). Cette étude dessine une trajectoire vertueuse avec plus de recyclage et de valorisation des déchets jusqu’à 95%, réduisant ainsi la part des déchets orientés vers le stockage à moins de 5%.

Lors du panorama global du marché de l’énergie à l’échelle française et européenne, Mr Phuc-Vinh Nguyen, chercheur à l’Institut Jacques Delors, a souligné l’urgence à sortir des énergies fossiles pour répondre à l’enjeu climatique mais également pour garantir notre souveraineté énergétique tout en minimisant le coût de l’énergie. Pour réaliser la transition énergétique, l’industrie doit s’engager dans les énergies vertes et l’énergie des déchets aura un rôle à jouer. 

Indépendance énergétique de la France, comment accélérer ?

La première table-ronde a permis d’aborder concrètement l’équilibre à trouver dans une équation qui réunit le coût et l’acceptabilité de nouvelles installations, pour mettre en œuvre cette transition énergétique. Laurent Michel, Directeur Général de la Direction Générale de l’Energie et du Climat du Ministère de la Transition Energétique, a présenté les résultats obtenus par le plan de sobriété (-16% de consommation de gaz et -10% de consommation d’électricité) qui doit à présent s’inscrire dans la durée en soulignant une séquence jusqu’en 2035 sans nouveaux réacteurs nucléaires. La future PPE doit ainsi prévoir une croissance forte de la production des énergies renouvelables et de récupération- (ENR&R). Les témoignages de représentants des territoires avec Didier Mandelli, Sénateur de la Vendée et Nicolas Garnier, Délégué Général d’Amorce, et également d’industriels avec Natalia Orjuela, Directrice de projets de transition énergétique chez Solvay et Laurence Poirier Dietz, Directrice Générale de GRDF, ont illustré à la fois les freins à lever pour atteindre cet équilibre, et l’engagement déjà pris résolument par certains, soulignant l’importance de développer des boucles courtes plus vertueuses pour l’environnement et moins soumises à la volatilité des marchés en favorisant notamment la consommation de l’énergie produite par les territoires, qui contribue fortement à l’acceptabilité des projets de production d’ENR&R. Ils ont confirmé également la nécessité de fixer des objectifs ambitieux pour la prochaine PPE, avec des appels à projets pour soutenir les nouvelles technologies.

Lucie Muniesa, au nom de la FNADE, s’est réjouie que le déchet soit désormais de plus en plus considéré comme une ressource mais que des freins continuent d’exister qui empêchent d’accélérer. Elle a insisté sur la nécessité de rendre l’énergie issue des déchets non recyclables compétitive par rapport aux énergies fossiles. Pour ce faire, elle a souligné le besoin de mécanismes correctifs permettant aux porteurs de projets de se lancer et d’innover. Elle a rappelé l’ambition des acteurs de la gestion des déchets, prêts à se mobiliser et apporter les solutions vertueuses pour l’économie circulaire et la décarbonation de notre économie.

Focus CSR : Frédéric Giouse du SN2E – Syndicat des bureaux d’études en Energie et Environnement- a présenté les conclusions d’une étude menée par la FNADE et le SN2E sur le modèle économique de la filière CSR (combustibles solides de récupération issus des déchets non recyclables) :

  • La filière a la capacité à développer 10TWh d’ici 2030 à partir de 3 MT de CSR (en plus d’1 MT consommé par l’industrie cimentière).
  • Malgré l’augmentation des coûts de construction et d’exploitation depuis début 2022, le prix de vente des énergies est plus favorable au développement de la filière CSR mais nécessite cependant des soutiens à la compétitivité de la chaleur CSR.
  •  L’étude montre qu’en soutenant la production d’électricité, les projets de cogénération (production de chaleur et d’électricité) trouvent leur équilibre économique. Ainsi, les consommateurs intermittents de chaleur (industriels, réseaux de chauffage urbains) peuvent aussi en bénéficier ; la cogénération permet par ailleurs de sécuriser les projets sur le long terme en compensant une moindre consommation de chaleur par la production d’électricité.

Lors de son intervention, Roland Marion, Directeur de la Direction Economie Circulaire de l’ADEME, a annoncé un besoin de soutien public significativement renforcé pour accélérer et pour soutenir le développement des projets de chaudières CSR à hauteur de 600 M€ sur quatre ans ; Il a informé qu’un appel à projet pluriannuel était envisagé fin 2023, en levant les freins actuels avec en particulier l’éligibilité des projets en cogénération.

Trajectoire bas-carbone au service des territoires et des industries

S’agissant des objectifs de décarbonation, autre enjeu majeur pour notre pays, en s’appuyant sur l’analyse prospective FNADE de l’orientation des déchets à horizon 2050 qui trace le premier axe pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), Nora Megder, Déléguée Générale de la Confédération des Métiers de l’Environnement, a présenté les deux autres axes de la feuille de route bas-carbone du CSF (Comité Stratégique de Filière) Transformation et Valorisation des déchets : la diminution des émissions industrielles du secteur déchets et la contribution du secteur déchets à la décarbonation de l’économie. Concernant le secteur déchets, Vincent Mazin, représentant du CITEPA a rappelé que réduire la part organique des déchets résiduels est un des leviers de réduction de ces émissions. Didier Courboillet, représentant la FNADE, a par ailleurs précisé que la collecte des déchets est également une activité sur laquelle la profession réduit ses émissions avec une flotte qui se verdit en modifiant la carburation et les moteurs.

Pascale Boyer, Députée des Hautes-Alpes, a quant à elle, souligné la dimension territoriale à prendre en compte dans la production d’énergie renouvelable ou de récupération. Les boucles locales de l’économie circulaire sont vertueuses pour l’environnement, mais également pour les emplois locaux qu’elles génèrent. Une vision illustrée par Denis Penouel, Directeur Général du Syctom, qui en traitant les déchets de 6 millions d’habitants en Ile-de-France, doit répondre à des enjeux multiples liés au climat, aux ressources naturelles, à la biodiversité, à l’aménagement du territoire ; il a insisté sur la nécessité de donner du sens aux initiatives publiques et privées, au-delà des objectifs globaux fixés, afin de renouer une relation de confiance entre le citoyen et le politique. Ainsi, la filière des déchets doit montrer en quoi elle est utile à la société, par exemple en alimentant en chaleur des réseaux de chauffage urbain. Denis Penouel a également pointé l’enjeu de la valorisation des biodéchets, rappelant que le gaspillage alimentaire est de l’ordre de 30% au niveau mondial.

Enfin, Clémence de Pommereau a présenté les résultats d’une étude menée par le cabinet E-CUBE pour la FNADE sur l’inclusion éventuelle de l’incinération dans le système européen des quotas de CO2 (EU- ETS, Emission Trading System) en expliquant que cette inclusion aurait un impact marginal sur la réduction des émissions de GES, mais un impact économique très élevé. En effet, l’EU-ETS serait largement impuissant à impacter et inciter les acteurs disposant des principaux leviers à l’amont de la filière, comme en attestent les cas d’étude suédois et danois.

Lors de la clôture de cette journée, Antoine Bousseau a souligné : « L’énergie des déchets a toute sa place dans notre pays où le secteur nucléaire ne produira pas de TWh supplémentaire jusqu’en 2035. Au-delà des acteurs de l’énergie, c’est désormais le citoyen qu’il faut convaincre de l’utilité de l’énergie des déchets » avant de remercier l’ensemble des intervenants pour la richesse des échanges.

Le congrès Transition énergétique et valorisation des déchets est disponible en replay sur le site web de la FNADE. 

La FNADE, Fédération Nationale des Activités de la Dépollution et de l’Environnement, est l’organisation professionnelle représentative de l’ensemble de la filière déchets. Acteur majeur de l’économie circulaire, la filière déchets produit des matières recyclées, des fertilisants et de l’énergie verte, en substitution de ressources naturelles et d’énergies fossiles. La FNADE en chiffres : 257 entreprises privées adhérentes, 44 536 salariés en France, 11,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, ~800 millions d’euros d’investissements. Elle est membre de la Fédération Européenne du Déchet (FEAD).